Maître Driss BOUSSABBATA (+)
En annonçant qu’il plaçait sa force de dissuasion en état d’alerte, le président russe Vladimir Poutine a contraint l’ensemble des états majors à mettre à jour leurs doctrines, le plus souvent héritées de la guerre froide. La certitude de l’hannihilation mutuelle dont l’acronyme en anglais MAD signifie « fou », ne suffit plus à exclure l’hypothése qui dépasse le champ des guerres classiques et ses instruments antiques vers des frappes nucléaires tactiques, pretenduement limitées. Au risque d’un emballement incontrôlé.
Cette idée selon laquelle nous allons envoyer des équipements offensifs, des avions et des chars, vous pouvez dire ce que vous voulez, les uns et les autres, cela s’appellerait la troisième guerre mondiale, avec des notions traditionnelles constituant le seul bagage psychologique des hommes d’État médiocres.Ils se trouvent absolument désorientés devant les conséquences logiques des guerres, dont la routine ne dit pas la solution et les impulsions mobiles des parties devenant leurs guides, les erreurs alors commises sont innombrables.
La psychologie des guerres stipule que les grands manieurs d’hommes sont nécessairement de grands psychologues. Sans la connaissance intime de la mentalité des individus et des peuples que possédait si bien Bismarck, la supériorité des armées germaniques n’aurait certainement pas suffi à fonder l’unité de l’Allemagne.
En fin de compte, possédant le sens des réalités de cette guerre qui bute une distinction nette entre un espace sanctuarisé, celui de l’Alliance atlantique, et un territoire ukrainien relevant d’une catégorisation géostratégique spécifique, l’éminent psychologue ne cherchait pas le meilleur, mais seulement le possible.
La première Guerre mondiale est de nos jours encore d’emblée envisagée comme la grande guerre, non pas à cause de sa longue durée car l’expression date de 1915, mais à cause de la mobilisation générale des soldats bien sûr, mais tout autant de la population civile, indispensable là aussi pour soutenir l’effort de guerre ; l’ampleur de l’engagement des civils, soit 80% de la population, est sans précédent historique, sachant bien que le tribut payé par les poilus est, certes, impressionnant 1.390.000 morts, prés de 3 millions de blessés dont 60.000 amputés, dont l’apport marocain est de l’ordre de 11.000 hommes tués, blessés et disparus, mais ce conflit des plus meurtriers n’a pas épargné les populations civiles, chose qui est plus normale que jamais, car, quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent.
La psychologie de la guerre ne cache pas ses indésirables résultats, vu les preuves citées.Les causes et circonstances de déclenchement des guerres sont, on le sait, nombreuses, variables et parfois contradictoires. Une fois déclenchées, cependant, bien des guerres deviennent indifférenciables quant à leurs conséquences, chaque partie tenant d’infliger à l’autre les plus grands dommages. Ainsi, quels que soient les modes d’intervention des organismes internationaux visant à assurer la sécurité des civils et en particulier des femmes et des enfants, il n’est pratiquement pas de guerres dans lesquelles les destructions se limitent aux objectifs militaires.
Ce que les destructions de monuments nous apprennent de la guerre en Ukraine, alors que l’invasion russe de cette dernière, qui a déjà entrainé des milliers de morts et le déplacement de millions de personnes, continue son escalade.L’UNESCO,a alerté l’opinion mondiale sur la menace que la guerre fait planer sur les monuments historiques ukrainiens.
De nombreux exemples historiques nous rappellent la vulnérabilité des monuments pendant les guerres ; que l’on pense à la Cathédrale de Reims incendiée par les troupes allemandes en 1914, ou, plus récemment, à la destruction du site de Palmyre en Syrie par le groupe d’Etat islamique en 2015. Ces destructions ont des conséquences importantes tant sur le déroulement du conflit, que sur la période conflit, bien que ces destructions soient souvent présentées comme le fruit d’un comportement barbare ou comme des dommages collatéraux, une autre lecture peut êter avancée, où la dévastation de monuents historiques apparait comme une dimension à part entière des conflits armés. Du point de vue russe, détruire les monuments semble faire partie des objectifs de la guerre, tandis que du point de vue ukrainien, les protéger contre une éventuelle attaque est un moyen de préserver son patrimoine et une part de son identité.
Aujourd’hui personne ne peut nier que les trésors du patrimoine ukrainien sont effectivement menacés par la guerre, et, que les bombardements de l’armée russe sur les grandes villes ukrainiennes font craindre un désastre pour la population, mais également pour le patrimoine culturel de l’Ukraine. Certains bâtiments historiques ont déjà été touchés, alors que les musées se préparent au pire, en sus de Kharkiv, Kherson, Kiev…Ces grandes villes sont sous le feu nourri de l’artillerie russe depuis le 1er mars 2022, et l’un de ces bombardements aurait touché le Centre commémoratif de l’Holocauste de Babyn Yar, à Kiev. Cette frappe, qui a causée l’indignation de la communauté internationale, montre à quel point le patrimoine ukrainien est vulnérable aujourd’hui ; heureusement, la cathédrale Sainte Sophie, bâtieau XI siécle, n’a pas encore été touchée, sachant que ce monument est l’un des plus connus d’Ukraine, inscrit dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
A l’époque de conflit, la neutralité est une arme pour la paix, mais, on peut lutter contre la guerre par le dialogue, la paix et l’éducation, et l’association de sauvgarde de la médina et des monuments historiques de Meknes, qui considére que chaque monument est une histoire partagée et une mémoire colléctive, ne peut que saisir l’occasion de la journée internationale des monuments et des sites instituée le 18 avril 1982 par l’ICOMOS et approuvée par la conférence générale de l’UNESCO, cette journée qui offre une occasion de sensibiliser les têtes pensantes dans le monde entier à la diversité du patrimoine culturel et aux efforts que requiert sa protection et sa conservation surtout au moment des guerres.
Nous faisons appel aux membres de l’ICOMOS et aux professionnels de la conservation ainsi qu’aux décideurs des guerres, pour faire de cette journée un succès dans le monde entier, en mettant en ligne de compte que le patrimoine historique est menacé partout dans le globe à l’époque de paix et au temps de crise où le patrimoine historique est au cœur des conflits, vu l’attrait des gains phénoménaux souvent injustifiés, vu l’absence de législation appropriée ou, si existante, mal appliquée ou pas mise en œuvre, les séismes et autres catastrophes naturelles, la pollution, le braconnage, l’urbanisation sauvage et son développement incontrôlé, le désastre.
En effet, depuis la fin du XIXème siècle, le développement des armes modernes et notamment l’emploi systématique des bombardements par voie terrestre ou aérienne a étendu la violence de la guerre, qui ne se concentre plus seulement sur la ligne de front mais touche l’ensemble des territoires et le plus souvent les centres urbains.Les monuments en sont alors des victimes collatérales, pire encore dans les guerres qui sont en fait des périodes d’exception qui peuvent parfois se prolonger, le patrimoine immatériel souffre aussi, les populations sont déplacées, vivent dans des conditions difficiles, les pratiques artistiques, festives ou religieuses traditionnelles sont alors suspendues, ce qui entraîne le risque de les voir disparaître, c’est pourquoi, une paix de fer est meilleure qu’une guerre d’or, et rien n’est honteux que de passer d’une liaison intime à une guerre déclarée.
Notaire, Premier Vice-Président du Conseil Régional des Notaires de Meknès (+)
Membre de l’association de sauvegarde de la médina et des monuments historiques de Meknès.